Emmanuel Bigand, professeur de psychologie cognitive, directeur du laboratoire d’étude de l’apprentissage et du développement (LEAD) à l’université de Bourgogne, étudie les effets de la musique sur le cerveau et sur la santé.
On sait aujourd’hui que la musique agit sur le cerveau, que se passe t’il exactement ?
Tout le monde a un contact facile et chaleureux avec la musique. Elle a longtemps été considérée comme réservée aux intellectuels. Or les études démontrent que la réponse à la musique se fait surtout par l’émotion.
Nous sommes aujourd’hui capables de comprendre l’effet neurophysiologique de la musique, c’est-à-dire que l’on sait suivre le parcours du son, de l’oreille jusqu’au cerveau, et voir grâce à un IRM les effets de ces sons sur le cerveau.
On a observé que lorsqu’on écoute de la musique, ce n’est pas simplement l’un ou l’autre des hémisphères du cerveau qui est engagé (comme c’est le cas pour le langage), mais le cerveau tout entier qui est activé.
La musique modifie les mécanismes biochimiques du cerveau. Elle active par exemple la production de dopamine, neurotransmetteur essentiel au fonctionnement du cerveau qui contribue à sa plasticité. La dopamine envoie des signaux de récompense, c’est elle aussi qui provoque les frissons à l’écoute de certaines mélodies. La musique peut avoir des conséquences sur le cerveau les jours et les mois suivant l’écoute.
La musique, en plus d’adoucir les mœurs, est capable de soigner certaines pathologies, pouvez-vous nous en dire plus ?
Grâce à la stimulation de la plasticité du cerveau, la musique permet de restaurer le réseau de neurones. Elle agit dans les cas de traumatismes crâniens, maladie de parkinson, ou encore aphasie (atteinte du système nerveux provoquant des troubles du langage). Des gens qui ne parlent plus se mettent à chanter, des malades de Parkinson dansent.
La musique connaît également de très bons résultats chez les malades d’Alzheimer. Sur des malades pour lesquels il n’y a plus beaucoup d’espoirs, la musique est souvent la dernière arme. Et les résultats sont parfois fabuleux. Certains malades communiquent à nouveau, même dans des cas de profondes apathies. Le souvenir d’une mélodie entendue jadis peut réactiver la mémoire et stimuler le cerveau. Alors que les médicaments n’agissent pas sur les malades d’Alzheimer, la musique, elle, réengage des actions du cerveau qui étaient jusque là inertes.
C’est dans ce cadre que le projet EBRASMUS (Europe Brain and Music) porté par le LEAD de l’université de Bourgogne a été mis en place. Les résultats des études menées ces quatre dernières années seront présentés lors du congrès international « Cerveau et musique » du 28 mai au 1er juin prochain. Il réunit les 500 plus grands experts dans ce domaine.
La musique peut-elle avoir une action préventive sur la santé si on l’écoute tout au long de sa vie ?
Plus vous avez stimulé votre cerveau dans votre jeunesse, plus cela crée des ramifications dans le cerveau. Donc il y aura chez ces personnes, des ressources neuronales qui permettront une plus grande compensation en cas de dégénérescence. La musique prémunit du vieillissement et des atteintes cérébrales. Cela s’avère encore plus vraisemblable lorsque le sujet pratique la danse ou joue d’un instrument.
C’est dans ce cadre que l’espace ERIE, unique en France, mettra en oeuvre les pouvoirs de la musique. Cet espace s’oriente vers la stimulation cognitive des jeunes séniors par la musique. Aujourd’hui, peu de structures sont adaptées à l’apprentissage d’un instrument pour les séniors. Pourtant c’est un moyen efficace de lutte contre le vieillissement cognitif.
L’espace ERIE palliera à ce manque par des astuces technologiques en créant par exemple, des instruments virtuels via les outils informatiques.
« Par la musique, nous pouvons vivre des expériences fortes »
Emmanuel Bigand, professeur de psychologie cognitive, membre de l’Institut universitaire de France et directeur du laboratoire d’étude de l’apprentissage et du développement (LEAD) à l’Université de Bourgogne à Dijon, a coordonné le livre Le cerveau mélomane, chez Belin.
Plus d’infos : Emmanuel Bigand sur le site web du LEAD