Il est onctueux, savoureux, addictif. Quand on mange du gras, les hormones du plaisir s’activent…Il est considéré comme 6e saveur aux côtés du sucré, salé, amer, acide et umami. Rencontre avec le professeur Naïm Khan pour comprendre les liens entre perception gustative et obésité.
Qui ne se régale pas avec une gourmandise au chocolat, une tranche de foie gras, un plat traditionnel en sauce ou un bon dessert plein de beurre et de crème ? C’est prouvé scientifiquement, nous aimons tous le gras.
Des études sont menées sur l’homme et sur l’animal pour comprendre ce phénomène. « Nous travaillons sur les cellules gustatives humaines que seules deux équipes de chercheurs au monde possèdent (l’uB et Monell aux EU) », explique le Pr Khan, professeur en physiologie au laboratoire Lipides, Nutrition, Cancer (INSERM UMR866) de l’université de Bourgogne.
« Des poisons pour l’humanité »
Un mode de vie sédentaire et une consommation de produits industrialisés riches en matières grasses favorisent la pandémie d’obésité.
« Le gras est utilisé à des fins commerciales pour augmenter la consommation de denrées riches en lipides. Certains produits dont les industries sont fières, sont des poisons pour l’humanité. Il y a trop de gras caché ».
Un exemple révélateur : lorsqu’on propose 2 biberons au rat du sable, l’un avec de l’eau, l’autre avec 0,1% de lipide, il va consommer tellement d’eau contenant du gras qu’il ne va plus s’arrêter et mourir au bout de 3 jours. « Le rongeur est comme nous. Il devient « addict ».
« Nous travaillons à l’élaboration d’une molécule de synthèse qui devrait déclencher les mêmes perceptions que le gras, sans aucun apport calorique ».
La question de la dépendance aux produits alimentaires riches en graisse se pose aujourd’hui.
L’apport de gras est pourtant nécessaire, relativise le professeur. Il est indispensable aux cellules et à la survie de notre espèce puisque nos hormones sont synthétisées à partir de cholestérol ».
Gène muté = baisse de sensibilité
D’autres facteurs expliquent l’obésité.
2 gènes, CD36 et GPR120, récepteurs de gras, informent le goûteur grâce aux bourgeons de la langue, qu’il mange du gras.
« On démontre dans l’article du 4 avril 2014 paru dans la revue scientifique Gastroenterology que CD36 serait impliqué dans la phase précoce de la perception gustative des lipides alimentaires », poursuit le professeur.
Dès les premières mastications des aliments, un message est envoyé au cerveau pour informer le dégustateur qu’il mange un corps gras. Alors que CD36 se dégrade après plusieurs bouchées, GPR120 prend le relai de l’information.
Ces protéines modulent la prise alimentaire d’aliments lipidiques. « Une étude a été menée en partenariat avec l’hôpital Farhat Hached de Sousse (Tunisie). Lorsque CD36 est déficient à cause d’une mutation, les personnes obèses doivent manger plus pour ressentir la perception de gras », explique Naïm Khan.
Du gras sans grossir
Un projet est en cours de financement qui devrait révolutionner les modes de consommation.
« Nous travaillons à l’élaboration d’une molécule de synthèse qui devrait déclencher les mêmes perceptions que le gras, sans aucun apport calorique.
Nous envisageons une collaboration avec le chimiste Sylvain Jugé, professeur à l’Institut de chimie moléculaire (ICMUB) », se réjouit Naïm Khan.
Une avancée qui pourrait être révolutionnaire quand on sait qu’un milliard de personnes sont en surpoids et 350 millions souffrent d’obésité dans le monde.
Ces produits pourraient être utilisés pour traiter les personnes obèses, diabétiques ou souffrant de maladies métaboliques. Les personnes ordinaires, quant à elles, pourraient en consommer « à titre préventif ».
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