Dans quel état d’esprit avez-vous écrit ce livre ?
Lorsque j’ai rencontré Anne-Claudine Oller, la co-auteure du livre, j’avais obtenu une convention avec l’inspection académique pour travailler sur l’échec à l’école primaire et je m’intéressais notamment à la lecture. De son côté, Anne-Claudine travaillait sur le coaching scolaire. Nous savions toutes les deux qu’il y avait une politisation des méthodes de lecture et nous tenions à ne pas rester prisonnières des querelles idéologiques. Il faut savoir que les méthodes syllabiques sont considérées comme étant plutôt de droite et les méthodes globales sont historiquement correlées à des courants politiques de gauche.
En quoi consistent ces différentes méthodes de lecture ?
De l’après-guerre aux années 70, on utilisait plutôt des méthodes mixtes. On regardait le mot globalement puis on essayait de le décomposer en syllabes. La méthode globale, ou idéovisuelle, a surtout été utilisée à partir des années 70. A l’époque, l’idée était de faire des hypothèses sur des mots plutôt que d’apprendre à les déchiffrer. La méthode syllabique, basée sur le déchiffrage des syllabes, était minoritaire. Elle était considérée comme politiquement de droite et relevant du conservatisme par ceux qui défendaient la méthode idéovisuelle. C’est précisément ce qu’on a appelé la politisation de l’apprentissage de la lecture.
Lors de la réforme du français, les formateurs se sont appuyés sur des linguistes. Une nouvelle méthode de lecture a fait son apparition : l’élève devait trouver des indices dans une phrase pour en deviner le sens, sans passer par le déchiffrage. Evidemment, ça n’a pas du tout marché.
Le discours a commencé à s’inverser entre les années 1990 et 2000. La linguistique a alors été battue en brèche par la didactique de la littérature qui domine aujourd’hui. Le principe est d’apprendre à lire sur des albums jeunesse qui contiennent du texte plus riche : le petit chaperon rouge, par exemple.
L’expérimentation que vous réalisez dans votre livre se base sur la méthode syllabique. Quels résultats avez-vous obtenus ?
Nous sommes allées dans une école qui utilisait une méthode de lecture basée sur la linguistique et avons observé les élèves pendant un an. L’année suivante, nous avons suggéré aux enseignants d’utiliser un outil d’apprentissage explicite basé sur le déchiffrage, de faire des ateliers avec les élèves les moins avancés en lecture pour les entraîner plus que les autres et de construire aussi une collaboration avec les parents basée sur la transmission de techniques pour l’accompagnement à la lecture, ainsi que des programmes de révision pour les vacances. Nous avons étudié les résultats des 2 années et avons constaté qu’avec notre méthode, les performances des élèves les plus en difficulté avaient été multipliées par deux.
La mémoire ne se développe pas au même rythme chez tous les enfants. Si on oblige un élève à deviner une syllabe par rapport à une autre ou à apprendre des mots par coeur alors que sa mémoire n’est pas encore développée, il se retrouve forcément en échec. Grâce à notre dispositif, les enfants déchiffrent de petits mots, puis de petites phrases, sur plusieurs mois, en utilisant la mémoire de travail. Ils apprennent donc à déchiffrer des choses qu’ils connaissent et acceptent d’investir leur attention. Ces exercices, en renforçant leur attention, aident les élèves les plus en difficulté à construire leur mémoire progressivement. L’apprentissage de la lecture en est facilité et les progrès sont notables.
Réapprendre à lire, De la querelle des méthodes à l’action pédagogique, 336p., Seuil, 2015
Fiche de Sandrine Garcia sur le site de l’IREDU
Intervention de Sandrine Garcia et Anne-Claudine Oller dans l’émission La suite dans les idées sur France Culture
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